LE SORTILÈGE ( nouvelle 8)

mirage au dessus des nuages sage n 1






LE SORTILÈGE

1

   De la petite ville où j'ai vu le jour, je garde un 
souvenir que, jusqu'à maintenant, je n'ai jamais 
réussi à oublier : il s'est incrusté dans mes 
pensées.
     Construite dans une vallée, qui se trouve au 
début d'une vieille chaîne de montagnes. Ma ville 
est le chef-lieu de notre canton. Y vivent trois 
mille habitants, on y remarque une collégiale 
qui laisse s'élancer vers le ciel son clocher 
d'une hauteur hallucinante. Le son de ses cloches, 
aussi haut  placé, rappelle les ouvriers, les 
gardiens des vignes éparpillés dans les champs 
aux alentours. Une rivière traverse la commune 
en la divisant  ; par temps d'orage, elle se gonfle 
pour se transformer en un véritable torrent 
impétueux.

2

  Autour de la collégiale, une grande place de 
grès rouge, permet le rassemblement de plusieurs  
personnes. Les jeunes se regroupent dans un 
endroit opposé à celui des personnes âgées. 
Nous ne laissons passer aucun jeu qui puisse 
nous divertir car, malgré la présence de ces 
vétérans, nous ne manquons pas de laisser libre 
cours à nos rires et cris perçants qui résonnent 
jusqu'au sommet de la collégiale . 
   Il fait chaud et la joie trouve dans nos cœurs une 
riche liberté qui devrait être digne de l'éternité ! 
La nature aime aussi ce partage de gaieté, elle 
l'exprime par les belles couleurs chatoyantes de 
la floraison. Sur les hauteurs , des vignes rendent 
le paysage rayonnant d'ordre et de clarté par la 
répartition perpendiculaire des rangées de 
cépages. Une route caillouteuse s'élance vers le 
sommet, elle représente l'artère principale de ce 
véritable labyrinthe de petites propriétés qui 
forment une mosaïque dans les collines. 

3

  Mes parents possèdent un petit arpent de vignes 
qui se trouve du coté droit de l'artère principale, 
elle jalonne la moitié du parcours  menant au 
sommet de la colline. Le soleil s'y trouve du matin 
au soir, ce qui donne à notre raisin une vigueur 
appréciable au goût et une profondeur couleur 
de sa robe. 
   Une grande croix détermine l'endroit où s'étalent 
nos vignes, plantées entre des espaliers de pierres
plus que centenaires. On y rencontre un grand 
rosier en fleurs rouge qui nous permet de 
composer de volumineux bouquets que nous 
apportons à l'église. Cette grande croix nous 
rappelle le souvenir de notre Dieu, que nous 
honorons à chaque passage par un signe de 
croix, parfois nous accommodons une petite 
prière lorsque notre satisfaction mérite d'exprimer 
un remerciement quelconque.
   De ma chambre, qui se trouve sous le toit de 
notre habitation, je peux apercevoir ce chemin 

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et même la croix car notre maison se situe en 
face de la collégiale et à l'intersection du 
croisement qui relie les chemins des vignes 
à la route principale de la ville .
  Ce mois de juin est étouffant, une chaleur torride 
insupportable règne. Ma mère et moi-même 
décidons de nous mettre en besogne seulement 
vers la fin de la journée, lorsque les gardiens des 
vignes ont terminé leur temps de travail. Cette 
décision est due au fait que les herbes indésirable
prolifère à toute vitesse. C'est avec peine que nous 
les déracinons.  
  Je n'ai pas le coeur au travail car je préféré les 
jeux sur la place. En ce  moment , nous racontons 
des histoires imaginaires, certaines sont drôle et 
tout le monde en rit, mais d'autres en tirent une 
peur. Je reste sur mon étoile du coté de 
l’incertitude,là, ou tout l'entourage montre une 
attention soutenue... Je me sens digne d'une 
véritable sagesse de flibustier car on ne peut 

5

deviner mes émotions. Le vagabondage de nos 
pensées perverses laisse montrer nos sentiments 
contradictoires envers l'église. Comme le diable 
nous tient tous en otage , d'après le sermon de 
notre curé , nous tentons de trouver l'âme solitaire 
qui le représente et qui se fait passer pour l'un 
de nos semblables. Pour que naisse notre pacte, 
nous fondons , nous les jeunes, une charte 
inviolable à toute tentation impure qui puisse faire 
venir le démon dans nos âme.
   Cette promesse nous terrorise plus que tout. 
Pour que nous puissions remplir la charte nous 
décidons d'éviter certaines personnes qui 
paraissent ressembler à la description de notre 
ennemi. Nos soupçons se dirigent vers le 
comportement ambivalent d'une vieille dame.
  Nous la distinguons par des faits qui semblent 
sans importances mais n'échappent pas à notre 
clairvoyance. Son comportement est la première 
chose qui attire notre attention car pour se

déplacer elle prend appui sur une canne en bois 
d’acacia sculptée d'ornements bizarres... Voilà 
le premier indice qui conforte nos présomptions. 
Puis il y a encore ses habits noirs délavés qui 
dégagent une odeur de fauve ignorant la propreté. 
Son visage , serti de rides profondes, ne laisse 
transparaître qu'un sourire démoniaque. Son 
comportement agressif envers les enfants, ne la 
couronne de la moindre bonne action car elle 
brandit sa canne dans notre direction au moindre 
chahut autour d'elle. Elle nous lance des paroles 
que nous n'arrivons pas à comprendre. Ces 
réactions étranges renforcent nos doutes, qui se 
transforment en accusations. Notre jugement 
devient bref et sans retour, il n'y a pas d'hésitation , 
nous tous la désignons comme étant une envoyée 
du démon.
   Depuis notre sentence, nous ne la perdons plus 
de vue ; chacun d'entre nous découvre, par une 
observation supplémentaire, un fait qui aggrave

son cas d'un surplus de torts. De mon coté je fais 
en sorte de pouvoir accumuler un maximum de 
renseignements. Mon regard croise justement 
cette personne sur l'allée principale menant 
au croisement des chemins entre les vignes.
   Cette brève rencontre devient un interlude 
accusateur, pour quelle raison la vieille dame se 
trouve à cet endroit, à une heure aussi tardive et 
pourquoi devant la croix ? Cela doit certainement 
correspondre à son comportement bizarre ?
  Ce qui m'a choqué le plus c'est qu'elle a ignoré 
notre politesse. 
   La pleine lune laisse distinguer sa clarté, elle 
permet de nous guider vers notre habitation. Ce 
soir  là , je n'ai pas faim et n'ai qu'une hâte , 
retrouver mes compagnons de jeux qui s'amusent 
derrière la collégiale, à l'abri des regards de nos 
parents. Mes explications ne rencontrent nulle 
contradiction car tout l'ensemble du groupe décide 
d'attendre le retour de la vieille dame.

8

   Une bonne partie de la soirée est entamée. Nous 
ne sommes plus que quelques copains car le plus 
grand nombre d'entre nous a du rentrer, appelé 
par leurs parents. La vieille dame ne vient pas et 
nos jeux tardifs sont rappelé à l'ordre par la famille. 
Moi-même je retourne dans ma chambre mais , je 
ne trouve pas le sommeil. Le fait que cette vieille 
dame ne revienne pas attise ma curiosité. Je me 
place à la lucarne de ma chambre qui me permet 
d'observer la route montant aux vignes ainsi que l
a place devant la collégiale. Je ne suis pas seul à 
veiller, de nombreuses chauve-souris effleurent 
ma chevelure, des chats expriment clairement 
leurs intentions sentimentales par des cris rauques 
désagréables, et des hiboux volent à travers la 
clarté de cette boule ronde qui éclaire le ciel 
assombri
   Minuit vient de sonner, la suspect n'est pas 
revenu. Au deuxième son de cloche, je la vois , 
elle arrive titubante sur sa canne. Cela me trouble ,

de crainte, je me réfugie derrière le rideau de toile 
pour qu'elle ne prête une attention à ma 
surveillance. Un trou providentiel me permet de 
continuer à l'observer discrètement. Je me rends 
compte qu'elle se dirige vers la grande porte 
voûtée de l'entrée principale de la collégiale. Sa 
démarche lente et instable ne trahit rien de ses 
intentions. Soudain elle s'arrête puis lève son 
bâton en direction de l'entrée de l'église pour crier 
quelques mots incompréhensible ; elle continue sa 
marche, puis s'arrête devant la maison du maire 
où elle ramasse quelque chose ? Je n'arrive pas à 
définir ce dont il s'agit... Elle presse le pas en 
direction de la boulangerie où, là aussi, elle se 
baisse pour ramasser quelque objet ? Je continue 
de la suivre du regard, elle s'engage dans la ruelle 
du marchand de poissons. Je la perds de vue, le 
sommeil me gagne et je réponds à son appel. 
       Les rêves de mes nuits sont emplis de 
pensées lugubres et les journées qui suivent 

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n'offrent plus de résistance aux doutes que je 
porte sur elle : elle représente l'image même du 
diable, ça c'est certain !




















  Les journées suivent sans qu'aucune nouvelle 
rencontre n'eut lieu à la bifurcation de notre vigne.

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 Au bout de quatre semaines, le jour de la pleine 
lune,  nous retrouvons cette vieille dame. Comme 
de coutume, à l'expression de notre politesse aucun 
écho, de toute façon elle ne nous prête la moindre 
attention ! Le soir , je prends le courage de 
retourner seul , en cachette, dans le plus grand 
silence, à la rencontre de la vieille dame.
   Pour ne pas faire le moindre bruit, je dois laisser 
mes sabots à la maison, là aussi il faut que je les 
cache. Pour parvenir à l'endroit de rencontre, je 
grimpe pardessus les espaliers avec la plus grande 
attention pour ne pas faire bouger la moindre pierre. 
Arrivé à l'endroit tant décrit, je me cache derrière 
un espalier et, j'aperçois que cette vieille dame 
fait de multiples gestes brusques, puis, exprime 
des paroles saccadées, toujours incompréhensibles. 
Elle se met à creuser un trou avec sa canne, à une 
profondeur d'environ vingt centimètres, d'une 
longueur de cinquante centimètres sur dix de large. 
Elle en retire un petit coffre d'une résonance 

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métallique, car il eut d'entrechoquer sa canne. A 
la clarté de la nuit , un reflet dénonce une certaine 
brillance, laissant s'échapper des éclats qui 
scintillent remarquablement...
  Elle ouvre le couvercle pour en retirer des petits 
bouts de papiers froissés en forme de boule, 
servant a envelopper des objets !  A ce 
moment, mon comportement pusillanime 
reprend le dessus et efface tout mon courage ; 
j'arrête mon observation. Je me dis que j'ai récolté 
assez de faits surprenants que je pourrai raconter 
dans ma prochaine histoire démoniaque derrière la 
collégiale devant tous mes copains.
  Dans l'ensemble , je suis très satisfait de mon 
aventure, en plus l'engouement de mes copains me 
comble d'une fierté qui me  rend serein. Toutes 
mes observations les ont impressionnés, je me 
suis imposé car moi seul peut témoigner de cela : 
Je parviendrai par le démasquer, ce maudit diable 
incarné dans cette personne âgée !

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  Les semaines se déroulent, aucun fait majeur ne 
vient troubler notre train-train de vie commune. La 
lune redevient à nouveau ronde. Ses rayons 
départagent les faibles ombres qui traduisent la 
réalité en une forme dévoyée et le raisin devient 
prometteur par sa forme et sa quantité. Une chaleur 
intransigeante domine la nuit, je ne peux trouver le 
sommeil et prend, avec une particulière précaution, 
la direction de la croix. Mon déplacement ressemble 
à celui d'un félin qui entreprend une chasse. Je suis 
certain que la vieille dame s'y trouve ! 
  Mes prévisions s'avèrent justes, elle occupe le 
même emplacement et fait le même rituel que la 
dernière fois... 
   Je décide de m'attarder pour récolter plus 
d'information, pouvant m'instruire sur ses 
agissements. Après qu'elle a sorti la boîte 
métallique, elle y place du papier froissé puis y 
rajoute des crachats ! Cette action provoque un 
trouble dans mes pensées. Elle s'exprime dans 

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un langage incompréhensible tout en refermant la 
boîte avec son couvercle. A ce moment même 
s'échappent une myriade de rayons que reflètent 
la lueur de la lune.
  Il  fait presque jour, les étoiles s'effacent petit à petit . 
Une fraîcheur matinale fait son apparition, cette 
rosée si vitale aux plantes, divulgue aux alentours 
leur parfum réconfortant Des vignes émane la senteur 
du raisin et les oiseaux commencent à chanter. La 
vieille dame rejette de la terre avec sa canne 
pardessus la boîte, puis place une énorme pierre 
pour la protéger d'éventuels curieux ?
  Je reste couché jusqu'à ce qu'elle disparaisse de 
mon champ de vision. Une demi-heure s'est 
écoulée. Je me relève avec des courbatures me 
donnant la même démarche que ma suspecte ! Je 
me dirige vers la croix puis me place devant 
l'énorme pierre qui me parait impossible à déplacer. 
La tentation est forte mais j'hésite car il y a 
plusieurs facteurs contrariants ! Le premier est 

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que je  me trouve devant la croix et un vol nous 
n'y avons pas droit. Le second c'est que la peur me 
guide , cette découverte risque de m'attirer des 
ennuis Puis vient le troisième, bien plus concret : 
une incapacité musculaire ne me permet de 
déplacer ladite pierre, aussi lourde que le poids 
d'un énorme rocher
   Mes intentions prennent bientôt une tournure 
différente: la curiosité devient plus forte ! Comment 
une vieille femme aussi faible a-t-elle pu déplacer 
une aussi grosse pierre ? Mes actes engendrent 
une culpabilité certaine, je vais commettre une 
grave faute... Suis-je sous l'influence du diable ? 
Cette conclusion freine mon ardeur, je ne fais 
que repérer l'endroit avec l’intention de revenir 
un peu plus tard avec du renfort , cela partagera 
les responsabilités. Pour mieux repère 
l'emplacement, j'y rajoute une grosse pierre 
rouge, rare dans les alentours . Je me contente 
de faire une prière devant la croix car les premiers 

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gardes des vignes arrivent pour faire leur 
surveillance .Je dois quitter rapidement ce maudit 
endroit !
  Chaque nouvelle journée qui arrive comporte 
des anomalies semblables a des malédictions. 
Je pense en connaître la raison car, je fais un 
rapprochement avec ce que j'avais découvert.
  Mes pensées se tournent vers les sermons de 
l'église, qui prédisent que le malheur est une 
punition envoyé par le mal ! Le mal justement , 
venons- en à cette définition défavorable ! Je 
me dis que peut être je suis le responsable de 
ce qui nous arrive...Ce mot responsable me 
dévoile ma culpabilité du fait que j'ai tenté de 
commettre une grave faute en voulant tenter 
d'enlever cette lourde pierre qui me paraissait 
collée au sol , ? Est-ce cela qui cause tous ces 
maléfices ?
   Dans les vignes, une myriade d'étourneaux 
picore les grappes de raisons. Ces blessures 

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font perdre toute saveur et valeur aux grappes. 
Pour les chasser, mes camarades et moi-même 
nous efforçons chaque jour de les en dissuader. 
Je m'arme d'un lance-pierres et tente d'en toucher 
certains pour leur faire peur et les éloigner. Nos 
multiples tentatives sont vaines ; devant leur 
acharnement, notre action ne rime à grand-chose. 
Il y a encore cette chaleur torride ainsi que le 
manque d'eau qui conjuguent une sécheresse 
impitoyable, elle laisse de profondes cicatrices. Les 
feuilles des vignes s'enroulent sur elles même avec 
l'apparition de cloques rouges sur toute leur surface.
   Nous n'arrivons pas à trouver le juste contrepoids 
pour notre protection : le malheur est là. 
   Cela incruste  profondément nos pensée de 
chacun. Dans les vignes, plus un lièvre ne se laisse 
prendre dans les collets ! Les murs de rocaille se 
dégradent car l'herbe qui pousse entre les raccords 
se dessèche, certains paliers s'écroulent.
    Le malheur frappe à de nombreuses portes. 

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Monsieur le maire tombe gravement malade ainsi 
que le curé de notre paroisse. Le boulanger s'accable 
d'une fatigue indomptable aussi profonde que celle 
de notre poissonnier. Au marché l'on ne trouve peu 
de marchandise à acheter, la vie prend une tournure 
de friche et la pauvreté commence à se faire sentir. 
Il n'y a qu'un filet d'eau dans le torrent et les 
poissons se font rares ; le blé devient une denrée 
de forte valeur car de nombreux champs sont 
calcinés par la sécheresse. La vie elle-même 
apporte un sentiment d'insatisfaction permanente , 
des désaccords divers entre parents provoquent 
des affrontements. Cet état de choses incertain 
pèse lourdement sur nous, lésant notre avenir. 
   Dans la collégiale, les flammes des cierges ne 
sont plus en nombre, plus de décoration riche de 
fleurs, devenu rare. La manne de prospérité ne 
suivi plus personne, sa direction a changé de cape.
   Nous voila dans  une phrase secondaire, où se 
cumule tous les acharnement du malheurs.

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    Chaque soir je fais une pause près de la croix 
pour y faire une prière avec ma mère, mais rien 
n'y fait, pas même une amélioration pour la bonne 
suite.
  Les semaines s'écoulent lentement, difficilement. 
Je n'ai aucune intention de me détourner du droit 
chemin, la pierre rouge côtoie toujours la grosse 
grise, nulle intention révolutionnaire n'agite mes 
pensées, je reste sage comme l'image d'un vrai 
mage.
   Je regarde le ciel et remarque que la lune 
s'arrondir. Cette constatation me guide vers une 
intention qui consiste à prendre des dispositions 
pour découvrir la suite de l'histoire de la vieille 
femme  va certainement revenir sur les lieux de 
sa profanation. 
   Toutes mes présomptions me laissent sur cette 
conclusion : tout ce qui nous arrive est signé par 
les intentions maudites de la représentante du 
démon ! 

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        La rage dans le coeur , ma vengeance 
impose une action pouvant résoudre , même 
arrêter, toutes ces malédictions. C'est comme si 
j'occupais la place d'un juge qui tranche en 
considérant les données précédemment évoquées. 
   Je décide fermement de retourner ce soir, avec 
un manche de pioche, près de ce lieu que la vieille
dame eut profané par  sa malédiction !
  La nuit est épaisse et le ciel sans étoile, je n'ai 
de ce fait pas le moindre témoin de mon action. 
Avec l'aide du manche en bois, que j'emploie 
comme levier sur la pierre rouge, je tente de 
déplacer le gros rocher gris. 
   Mes intentions rencontrent une difficulté,  je 
n'arrive a la bouger d'un brin ; elle est comme 
collée au sol ! 
   J'utilise toute ma force et même mon poids pour 
faire balance, sans aucun résultat probant. A 
un moment donné, les nuages laissent passer 
quelques rayons de lune. Un miracle étonnant

21 

se produit alors . L'énorme pierre se laisse 
déplacer avec une facilité déconcertante ; elle 
devient légère comme un oreiller rempli de 
plumes ! 
    J'en reviens pas, mais d'où vient ce mystère ? 
C'est avec acharnement que je continue de 
creuser le sol. Je dois découvrir, trouver cette 
maudite boîte métallique dans laquelle sont 
enfermé le mystère de tous nos mauvais 
présages ? La terre se laisse dégager sans 
mal . Le manche heurte la boîte métallique qui 
produit un phénomène acoustique réconfortant 
mes pensées. Ma fureur trouve dans ce bruit 
une volonté ( divine ? ) pour persévérer dans 
mes recherches. Je ne me rends pas compte 
de l'acharnement que je déploie pour sortir 
cette caisse de son emplacement.
  A son contacte une froideur glace mes mains 
malgré la chaleur environnante ! Elle est légère 
et lourde à la fois. Je la pose sur la grande

22 

pierre grise puis j'ouvre le couvercle. A l'intérieur,
 je découvre des rangées de petits bouts de 
papiers enroulés en forme de cigarettes. Je 
défais l'un d'entre eux puis, stupéfaction profonde, 
j'y trouve des cheveux ! Ma curiosité n'est pas 
encore rassasiée, je découle tous les autres bouts 
de papiers pour étaler leur contenu de cheveux 
sur la pierre rouge.
   Mon inventaire dévoile des cheveux qui n'ont 
pas tous la même couleur ni de point commun. 
J'en vois des longs bruns, des noirs frisés, des 
gris cendré raides ou fripés et d'autres encore qui 
ressemble à la couleur or des blés à la moisson.
  Tout cet étalage recouvre la surface complète de 
la pierre rouge. La lune disparaît à nouveau, ses 
rayons ne provoquent le moindre rayonnement 
qui pourrait les éclairer. Subitement, une brise 
humide effleure mon visage. Mes cheveux se 
décoiffent, une mèche s'en échappe et les autres 
étalés sur la pierre rouge s'y mélangent en tombant

23 

à terre... Je reste stupéfait d'étonnement devant 
cette touffe de cheveux mélangée, je ressens un 
éblouissement à l'apparition de nouveaux rayons 
de la lune.Je suis comme hypnotisé devant tous 
ces cheveux. Je me donne un mal fou pour tenter 
de les enrouler de nouveau dans ces bouts de 
papiers qui ne correspondent plus. Je fais de 
mon mieux pour redonner forme à l'ordre 
précédent mais je ne pense pas avoir réussi le 
juste accord, impossible.
   Ma hâte , ma fébrilité et mon inquiétude troublent 
mon comportement. Ma curiosité n'a pas prévalu 
sur la sagesse, si précieuse, car maintenant je
me rends compte que je viens de commettre une 
énorme faute. Je me dépêche de refermer le trou 
et remettre de l'ordre dans les environs, puis cours 
retrouver ma chambre. La nuit ne m'apporte  le 
sommeil attendu.
  Le lendemain, mon visage dévoile une fatigue 
certaine car de profondes rides marquent mon 
visage d'enfant.
   Le soir de la pleine lune, j'y retourne avec les 
plus grandes précautions, au croisement près 
de la croix. Je suis parti très tôt pour attendre 
avec impatience la vieille femme. Mon attente 
enfin est récompensée , elle arrive, titubante, à 
la croix. 
   Elle commence son rituel incompréhensible 
puis utilise sa canne pour déplacer la grosse 
pierre ; La lune rayonne de plus belle. Elle 
poursuit sa besogne et déterre la boîte métallique 
qui transmet ses reflets aux rayons de la lune. 
Elle ouvre la boîte et là, elle remarque qu'elle a 
été forcée et que l'ensemble des bouts de 
papiers sont dans un désordre révolutionnaire.
   Ce constat transforme ses réactions car elle 
brandit la canne vers le ciel et crie à voix forte 
en direction de son témoin, la lune ! 
  Mais son langage ne m'apporte rien d'instructif, 
ce n'est que mon regard et mes intuitions qui 
enregistrent les faits : Elle est furieuse. Je 
ressens une sorte de victoire qui se traduit par 
une immense joie. Mon coeur bat la chamade et 
mes réactions nerveuses produisent des 
tremblements dans tous mes membres. S' ensuit 
alors un comportement bizarre chez cette 
employée du démon car elle se met à faire des 
mouvements qui ne sont pas de son âge ! Elle 
se débarrasse de la boîte métallique en la jetant 
dans les ronces, puis elle cavale à toutes jambes 
en direction de la ville. Pour son âge , sa course 
sportive est extraordinaire ! Je m'exalte , glorifié 
par ma victoire et, après qu'elle a disparu je 
m'extirpe de ma cachette pour rejoindre la ville.
   Le lendemain se produit une transformation 
inhabituelle, je me lève tard, contrairement à mes 
habitudes. Sur le toit, le clapotis de la pluie chante 
allègrement une sérénade réconfortante. La rue 
brille à nouveau et les gens se réjouissent. Les 
becs des gouttières de la collégiale crachent de 
l'eau sur les pavés de la place pour remplir les 
rigoles qui partent dans la direction des ruisseaux, 
lesquels rejoignent les cours d'eau puis la rivière 
qui redevient un torrent tempétueux. Monsieur le 
maire se montre de nouveau ainsi que le curé 
qui tente de nettoyer les alentours de la paroisse. 
Le boucher a retrouvé sa bonne humeur et sa 
bonne santé, le boulanger exulte de joie avec le 
poissonnier qui retrouve sa clientèle d'antan. Le 
réconfort réchauffe nos cœurs et la bonne humeur 
règne en maître. Dans les vignes, les étourneaux 
ont disparu et l'herbe jaune reverdit...  Sous les toits, 
l'on se sent à l'abri, la température redevient 
clémente et le sommeil confortable. Les herbes 
folles attirent les lièvres et les moutons gonflent 
leur ventre. La vie saine reprend son équilibre 
parfait.
   Et la vieille femme, qu'est-elle devenu ? Elle a 
disparu, emportant avec elle toutes les malédictions 
et toutes mes condamnations.

JJM

auteur Jean Jacques Mutz.
écrit le 14 12 2009, remis a jour le 28 09 2019.
A ce jour, 28 09 2019, 115 731 lecteurs.
A ce jour, 07 05 2021, 150 818 lecteurs.

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